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M�thode naturelle et t�tonnement exp�rimental

Jean-Claude R�gnier

Ma�tre de conf�rences en Sciences de l’�ducation � l’Universit� Lyon2

 

Une table ronde...?

Certaines pratiques sociales de notre �poque qui fait grand cas de la communication, certes parce que de nombreux faits humains en ont montr� l’importance mais aussi parce que dans un syst�me capitaliste elle constitue une marchandise qui se vend et s’ach�te au travers d’outils, nous laissent aussi parfois dans des situations paradoxales. La table ronde, dont j’ignore tout de son histoire, m�me si certains chevaliers ont us� de l’objet, de la disposition g�om�trique et �quipotentielle (hi�rarchiquement parlant) qu’elle impose, est une situation de communication qui se p�rennise. Toutefois si la table demeure, la rondeur a disparu. Ceci nous met alors non plus dans une situation d’interlocuteur momentan�ment privil�gi� face � un auditoire qui potentialise patiemment des questions � l’�coute d’un d�bat, mais dans celle de locuteur. Le feed back qui � l’origine devait engendrer et �tendre le d�bat se transforme en lib�ration de tension des auditeurs.

C’est en quelques mots l’impression qui ressort de cette s�ance. Les propos qui vont suivre visent tout simplement � exposer ce que j’ai ni pu ni su dire.

De quels points de vue...?

L’intitul� de cette table ronde attire l’attention sur deux notions cl�s du discours p�dagogique Freinet. Utilis�es sans pr�cautions, elles offrent prise aux interpr�tations les plus diverses conduisant les uns, convaincus de l’�vidence du sens fond�e sur le bon sens , � l’adh�sion quasi-inconditionnelle, suscitant chez les autres irritation et fuite. Ces deux comportements extr�mes ont en commun d’inhiber le questionnement scientifique. Entre ces deux positions, il y a place pour une autre que je souhaiterais adopter. Ceci pose pour moi la question du choix du point de vue duquel je peux me placer.

J’en entrevois au moins deux :

- celui du p�dagogue, enseignant-chercheur en sciences de l’�ducation et en didactique,

- celui du p�dagogue, praticien-militant de la p�dagogie Freinet.

Sans doute est-il illusoire d’esp�rer une s�paration de ces deux postures. Aussi est-il plus r�aliste de les concevoir comme les deux p�les d’un aimant. Ceci revient � consid�rer que le regard que je souhaite porter sur l’objet du d�bat est en tension entre ces deux p�les impossibles � isoler, c’est � dire oscillant entre le doute du chercheur et la certitude du militant.

Notons par ailleurs que fixer la p�dagogie et la didactique comme cadres de r�f�rences ne suffit pas pour travailler ces deux notions m�thode naturelle et t�tonnement exp�rimental. La psychologie de l’�ducation, la psychologie cognitive, la psychologie du d�veloppement sont autant de cadres auxquels nous empruntons des notions, des concepts et des m�thodes pour en parler. Il faudrait m�me ajouter la sociologie de l’�ducation, la psychologie sociale puisqu’il est question de groupes humains, la philosophie et l’�thique puisque des finalit�s , des vis�es sous-tendent nos actions.

A cette occasion nous souhaiterions pr�ciser une diff�rence importante entre la posture du p�dagogue et celles du psychologue, du sociologue ou du philosophe. Si le travail sur l’objet pour en tirer des connaissances leur est commun, le p�dagogue est de toute fa�on tenu � l’action dans sa classe face aux �l�ves et sous la pression de l’Institution scolaire et de celle des parents d’�l�ve. Ainsi par exemple si le psychologue peut s’en tenir � la description des observations et � la validation de ses �nonc�s relatifs au processus d’apprentissage, le p�dagogue pour sa part se voit dans l’obligation d’intervenir pour enseigner dans sa classe et si possible faire apprendre. Il y a l� un facteur qui influence la m�thodologie sur lequel se fondent les arguments visant � pointer les limites de la recherche-action.

A ces propos, j’ajouterai encore un �l�ment qui correspond � un ressenti apr�s 25 ans de militantisme p�dagogique. Dans l’�tat actuel de mon introspection, la mise en mots de ces "maux" qu’engendre le doute du chercheur, demeure bien floue et na�ve mais cette occasion offerte m�rite l’effort.

Si actuellement mon enseignement de statistique et de didactique ne s’adresse plus qu’� des �tudiants de second cycle universitaire, je n’en ai pas moins enseign� les math�matiques en lyc�e de 1974 � 1990. Durant ces 16 ann�es, j’ai tent� de donner un sens � la notion de m�thode naturelle et � celle de t�tonnement exp�rimental quand il s’agissait d’enseignement-apprentissage des math�matiques en particulier pour des �l�ves de classe de seconde. Ce travail, je l’ai conduit selon plusieurs axes:

- en solitaire dans ma classe,

- en coop�ration avec des coll�gues du lyc�e dans lequel je travaillais ou d’autres lyc�es, qui n’�taient pas n�cessairement des militants Freinet,

- en �quipe p�dagogique pluridisciplinaire au sein du lyc�e,

- en coop�ration avec des praticiens-militants de l’I.C.E.M. au sein de la commission "math�matiques"

- et m�me dans le cadre de travaux de recherche conduits � l’universit� ou au sein de la direction des lyc�es et des coll�ges au Minist�re de l’�ducation Nationale.

Ceci a donn� lieu � divers �crits, traces de ce travail et de ses limites. A mesure que les ann�es pass�rent, que le capital exp�rientiel s’accrut, le sens de ces notions d’�vident au d�part s’est peu � peu obscurci. D’absolu il est devenu relatif.... A ce jour, c’est � dire apr�s-coup, il m’appara�t que la m�thode naturelle fond�e sur le t�tonnement exp�rimental de l’apprenant �tait con�ue dans mon esprit comme l’unique chemin (m�thode) d’acc�s aux connaissances math�matiques. Le caract�re naturel pla�ait la m�thode hors de l’influence culturelle d�termin�e par la classe bourgeoise dominante. Voil� qui offrait une chance d’acc�s aux connaissances scientifiques pour les enfants issus de la classe populaire domin�e. En ce sens, je peux dire que ma conception de l’apprentissage �tait plus politique que psychologique. Au sens bachelardien, il me semble que durant une dizaine d’ann�es cette conception a constitu� un obstacle occultant d’autres points de vue. Les cons�quences actuelles de cette prise de conscience sur ma propre pratique p�dagogique dans les cours universitaires se retrouvent dans l’incitation permanente � interroger l’�vidence, � questionner le "ce qui va de soi puisque �a marche ainsi depuis si longtemps", � s’efforcer de s�parer les opinions, les croyances et les savoirs scientifiques et de situer le cadre auquel appartiennent les notions utilis�es dans un discours � intention scientifique.

Ces propos ne sont pas ici par coquetterie universitaire mais pour tenter de situer au mieux le point de vue, fut-il pluriel, duquel je parle.

Deux notions � questionner...!

Contrairement � ce qu’a pu affirmer un auditeur exc�d� par la mise en question, je ne pense pas que la m�thode naturelle et le t�tonnement exp�rimental constituent de simples notions issues du bon sens de Freinet livrant d’elles-m�mes leur sens. Il convient d’avoir d�j� parcouru un certain chemin dans le milieu Freinet pour les rattacher � un contexte particulier : celui des situations scolaires d’enseignement-apprentissage. Ainsi sommes-nous renvoy� in�vitablement aux notions d’apprentissage/apprendre, d’enseignement/enseigner et aux questions subs�quentes : qu'est-ce qu'apprendre ? qu'est-ce qu’enseigner ?

Il me semble que nous pouvons consacrer quelques instants � la terminologie. Notre langue fran�aise peut confondre les deux actions apprendre et enseigner avec l’expression apprendre quelque chose � quelqu’un. Nous �viterons cet usage afin de bien distinguer l’enseignant et l’apprenant. Enseigner, c’est ce que fait le ma�tre et pour cela il organise son action � partir d’une m�thode p�dagogique, c’est � dire un syst�me complexe r�gul� et �volutif articulant les moyens et les fin de l’�ducation et s’appuyant sur des principes et des connaissances didactiques. Cette m�thode qu’il met en œuvre dans sa classe, l’enseignant la construit plus ou moins coop�rativement en posant des objectifs concrets sur des fins plus g�n�rales en r�f�rence � un id�al d’homme, � un id�al de soci�t�, � des connaissances scientifiques mais aussi � des croyances et des valeurs, � des repr�sentations de l’enfant, de l’adolescent, de l’adulte, de l’apprenant, de l’enseignant, de la connaissance et � ce qui les relie.

L’enseignant enseigne avec l’intention de faire apprendre, c’est � dire faire conna�tre, faire agir, faire comprendre mais pas faire croire. C’est l� que les limites de l’action du ma�tre apparaissent car rien ne garantit avec certitude qu’il fasse apprendre.

Ainsi m�thode naturelle pourrait �tre r�f�r�e � m�thode p�dagogique naturelle par un enseignant non averti. Mais alors, en quoi une m�thode p�dagogique qui est une construction humaine peut-elle �tre naturelle, c’est � dire un fait de nature ?

Examinons maintenant l’autre versant du questionnement, celui concernant apprendre. Qu’est-ce qu’apprendre ? cette question peut �tre abord�e selon de nombreuses perspectives. Le philosophe Olivier Reboul a �crit un ouvrage sur cette question qui en constitue aussi le titre. Le propos est remarquable et enthousiasmant mais il ne nous dit rien sur les processus mentaux en jeu dans le d�veloppement cognitif. D’autres perspectives sont n�cessaires: la psychologie cognitive en constitue une parmi d’autres. Toutefois il est important de conserver � l’esprit que les conceptions de l’apprentissage s’organisent autour de deux grandes cat�gories de points de vue : le comportementalisme (b�haviorisme) et le constructivisme. Je me limiterai au rappel de ces deux �tiquettes sans explorer le contenu ni m�me aborder d’autres perspectives.

Pour nous, nous retiendrons qu’apprendre ne peut �tre isol� du questionnement dans lequel ce verbe est immerg�. Pour traduire cette id�e, j’ai choisi la repr�sentation imag�e gravitationnelle pour en exprimer la dimension dynamique et inter-active et les mouvements que requiert une stabilisation des notions dans le r�seau auquel se rattache apprendre.

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Pour nous, l’apprentissage, c’est � dire l’action d’apprendre, est un processus complexe qui dans un environnement implique un sujet conscient dont le n’est jamais vierge. L’acteur de ce processus est le sujet lui-m�me et le si�ge est son qui permet au sujet d’assurer intentionnellement le traitement et le stockage (m�moire) de l’information. Ce processus permet tout � la fois de construire des repr�sentations non encore pr�sentes ou de modifier celles qui y sont d�j� mais qui s’av�rent �tre inop�rantes dans la situation-probl�me impliquant le sujet qui a le projet de trouver une solution pertinente. Ce processus ne conduit ni � une simple superposition de la repr�sentation ancienne de la repr�sentation nouvelle, ni � une simple juxtaposition ni m�me � une substitution. Ce processus se fonde sur l’id�e fonctionnelle que l’�tat du sujet pourrait �tre caract�ris� par au moins deux structures imbriqu�es et inter-actives : une structure cognitive et une structure affective.

Ce processus requiert alors une de l’�tat cognitif du sujet et une de son �tat affectif engendr�e par la double action d’assimilation de l’objet inconnu � son �tat actuel par le sujet et d’accommodation de son �tat � l’objet. Les conduites nouvelles acquises par ce processus ont alors une certaine stabilit� globale qui fait que le sujet n’a pas � relancer le processus face � une situation-probl�me de la m�me classe. Cependant cette stabilit� n’est pas rigidit� qui conduirait � ne faire que reproduire � l’identique les conduites ainsi acquises, ces derni�res int�grent elles-m�mes les caract�res d’adaptabilit� et de modifiabilit�. C’est ici que nous confirmons la distinction entre le conditionnement et l’apprentissage.

L’apprentissage d�signe aussi le r�sultat de l’action d’apprendre (processus).

Certes cette d�finition conserve encore un fort degr� de flou et de g�n�ralit�, mais si nous lui adjoignons le questionnement, il nous semble qu’elle pr�cise un mod�le op�ratoire de l’apprendre/apprentissage utile � un enseignant ou � un formateur dans l’intelligibilit� de sa pratique. En particulier il nous semble que cette d�finition ouvre une place � la notion de t�tonnement exp�rimental..

Pour compl�ter nous reformulons quelques questions en relation avec notre d�finition :

Dans quels buts le sujet se met-il en apprentissage ?

Quand ... ?

Dans quelles circonstances...?

Avec qui ...?

Avec quoi...?

Quelles sont les �ch�ances que le sujet s’est fix� ?

Quel est l’objet de cet apprentissage ?

Et puis nous pourrions compl�ter par des questions d’ordre m�ta-cognitif :

Quelles repr�sentations le sujet se fait-il de l’apprentissage ?

Que sait-il sur ce qu’il sait de l’objet ?

Selon nous, les investigations conduites dans le mouvement Freinet sur les situations d’enseignement-apprentissage gagnent � int�grer explicitement ce questionnement.

A cela il convient d’ajouter qu’apprendre est acqu�rir et que est acquis, tout ce qui n’est pas inn�, ce avec quoi nous naissons. Un apprentissage (r�sultat) est un acquis particulier que nous distinguons des acquis issus d’un conditionnement, d’un dressage ou encore des acquis issus de processus du type vaccination, accident ... .Partant , tout ce qui est acquis n’est pas n�cessairement appris et tout ce qui est appris n’est pas n�cessairement enseignable.

Revenant � l’expression m�thode naturelle, celle-ci pourrait alors �tre r�f�r�e � m�thode naturelle d’apprentissage. Elle demeure questionnante s’agissant de m�thode d’apprentissage, c’est � dire un cheminement par lequel se d�roule le processus. En quoi serait-elle naturelle quand ce terme serait � rapprocher soit d’inn� soit d’h�r�ditaire ?.

Certes les �crits de C�lestin Freinet et ceux de nombreux militants apportent des �claircissements mais saurions-nous actuellement faire la distinction entre les arguments fond�s sur des opinions et des croyances et ceux fond�s sur des connaissances scientifiques ?

L’id�e consiste � prendre deux objets particuliers : la marche et la langue maternelle orale. Comme l’observation quotidienne et le bon sens le laissent voir ais�ment, � la naissance un enfant ne gambade pas et ne s’exprime pas avec les mots usuels de la langue maternelle. Il en va tout autrement au bout de quelques mois. Tout se passe comme si une acquisition avait eu lieu et pour cela on parle habituellement d’apprentissage � parler et � marcher. Les parents confrontent souvent leur histoire en pr�cisant "mon enfant a appris � marcher et � parler tr�s t�t". De toute �vidence durant ces premiers mois, cet apprentissage (processus et r�sultat) ne se d�roule en aucune fa�on selon les modalit�s scolaires en vigueur aux diff�rentes �poques. Comme ces deux acquisitions donnent l’impression de se d�rouler "naturellement" et "sans coercition" ni examens dipl�mant, la tentation est grande d’esp�rer la transposition � tous les autres apprentissages scolaires. M�me si ces quelques lignes r�duisent excessivement l’argumentaire, il semble qu’� l’heure actuelle nous ne pouvons plus nous en tenir � ce niveau. Je veux dire par l� qu’il convient de conserver le caract�re heuristique de l’expression "m�thode naturelle d’apprentissage" et de ne pas en user comme d’une th�orie �tablie sur des faits scientifiquement av�r�s.

Si maintenant nous rapprochons les deux termes "naturel" et "apprentissage", alors surgit la question : l’apprentissage est-il naturel ? Selon moi, la r�ponse peut sans doute �tre � la fois positive et n�gative. Oui, dans le sens o� l’apprentissage est un processus d’acquisition particulier et que le nouveau-n� poss�de au moins des �l�ments qui permettent � ce processus de se mettre en œuvre. Mais alors quand nous tenons un propos sur le d�veloppement de l’autonomie de l’apprenant, nous faisons souvent r�f�rence � l’expression apprendre � apprendre. Comment sortir du paradoxe si ce n’est en dialectisant le processus, affirmant qu’une partie du processus est d�velopp�e sous l’effet d’acquis. Non, si nous ne nous contentons pas d’isoler le terme apprentissage comme nous l’avons soulign� plus haut en �voquant le questionnement associ� et si nous fixons un objet. En fait il appara�t que la r�ponse va d�pendre du sens que nous donnons � apprentissage.

Pr�cisons maintenant l’objet de l’apprentissage auquel nous nous int�ressons: les math�matiques. Prenons la revue LE NOUVEL EDUCATEUR comme r�f�rence et essayons de comprendre � partir de l’article de Monique Querier et R�mi Jacquet. Comme le titre l’indique, il est question de LA m�thode naturelle de math�matiques et le propos vise � expliciter ce que " nous entendons par m�thode naturelle de math�matiques et ce qui nous diff�rencie d’autres approches de l’enseignement des math�matiques". La caract�ristique essentielle �nonc�e dans l’introduction est que " le plaisir des maths et de la recherche (en) sont les seuls moteurs". Cela m�riterait sans doute de pr�ciser le statut de cette assertion : opinion de militants ou fait scientifique ? Le paragraphe suivant est intitul� "math�matiques naturelles et calcul vivant". Cette fois, ce n’est plus la m�thode qui est naturelle mais les math�matiques. De quoi parlons-nous alors ? Certes le paragraphe contient une mise en relief " la m�thode naturelle de math�matiques agit dans le domaine des math�matiques" mais outre le fait qu’il serait difficile qu’elle n’agisse qu’� l’ext�rieur, elle ne nous �claire pas davantage sur ce que traduit ce glissement. L’article s’ach�ve sur un conseil de lecture d’un article intitul� cette fois : Apprentissages math�matiques naturels chez les petits.

Force est de constater que le lecteur non averti sera confront� � trois expressions:

- la m�thode naturelle de math�matiques

- les math�matiques naturelles

- les apprentissages math�matiques naturels.

est-ce vraiment suffisant pour comprendre ce qui diff�rencie l’enseignement de math�matiques selon la p�dagogie Freinet des autres approches ?.

N’y a-t’il pas lieu alors que la pratique p�dagogique est effective, que des faits et des variables p�dagogiques et/ou didactiques peuvent �tre recueillis et analys�s, de porter notre effort sur les notions, les concepts que nous utilisons pour d�crire, comprendre, expliquer cette pratique et sur les m�thodes que nous employons pour valider nos assertions ?.

Faire cet effort de th�orisation � partir de la pratique me para�t �tre coh�rent avec l’esprit m�me de la p�dagogie Freinet. C’est � ce prix que nous serons en mesure de mieux argumenter sur ce qui nous diff�rencie d’autres approches (qu’il conviendrait de pr�ciser quand il ne s’agit pas de l’approche magistrale la plus traditionnelle ! ) de l’enseignement des math�matiques qui ne pourraient �tre le fait que de p�dagogues ext�rieurs au mouvement Freinet, donc peu avertis des th�ories de la p�dagogie Freinet. Si j’emploie th�ories, c’est parce qu’au contraire des pratiques, elles s’av�rent �tre transportables et communicables.

Je m’en tiendrai l� en ce qui concerne les questions suscit�es par l’usage du mot naturel dans le discours p�dagogique Freinet pour aborder maintenant la notion de t�tonnement exp�rimental.

Si cette notion est tout autant questionnante, elle me para�t �tre potentiellement d’une grande richesse th�orique. En ce qui concerne l’enseignement-apprentissage des math�matiques, j’ai depuis longtemps tent� de mieux cerner le sens d’une m�thode p�dagogique int�grant une (des) m�thode(s) d’apprentissage fond� sur le t�tonnement exp�rimental de l’apprenant. Ce dernier auquel je me suis le plus int�ress� �tait �l�ve de classe de seconde de lyc�e des ann�es 74 � 90. Sch�matiquement le graphique que nous fournissons ci-apr�s, r�sume les �tapes des s�quences didactiques que j’ai exp�riment�es.

Sch�ma d’une s�quence d’enseignement-apprentissage de math�matiques int�grant le t�tonnement exp�rimental de l’apprenant :

Rien ne rend compte dans ce sch�ma de la gestion coop�rative de la classe, du journal de classe � expression math�matique, du d�tail des activit�s de libre recherche et des pratiques d’autocorrection et d’auto-�valuation. J’ai eu l’occasion d’�crire divers articles auxquels je renvoie le lecteur int�ress�.

Le point de vue de Freinet s’appuyait sur le caract�re (presque) universel du processus qu’il nommait t�tonnement exp�rimental . La description qu’il en fait s’apparente plus � un r�cit po�tique qu’� une description scientifique d’un fait d’observation. Cependant attirer l’attention des enseignants sur l’apprentissage �tait d�j� un pas remarquable dans l’�volution des pratiques p�dagogiques. Bien d’autres enseignants ont poursuivi cette r�flexion parmi lesquels nous pourrions citer Edmond Lemery et Paul Le Bohec.

Mon point de vue est qu’une th�orie complexifi�e et actualis�e reste � faire aujourd’hui. J’ai la conviction quand il s’agit de l’apprentissage des math�matiques que le t�tonnement exp�rimental est un facteur de d�veloppement cognitif individuel tout comme le conflit socio-cognitif en est un autre. Il me semble que tout ce qui a �t� fait ou peut encore �tre fait devrait nous permettre de valider cette hypoth�se, moyennant des m�thodes de recherche adapt�es.

La perspective adopt�e est d’abord p�dagogique et didactique mais il para�t difficile de faire l’�conomie des emprunts � la psychologie cognitive, g�n�tique ou sociale.

Parmi les questions didactiques et p�dagogiques auxquelles ces recherches devraient tenter de r�pondre, il en est une qui me pr�occupe particuli�rement :

Comment dans les conditions actuelles de l’universit�, un enseignant peut-il organiser des s�quences didactiques permettant la mise en œuvre du t�tonnement exp�rimental dans l’apprentissage de la statistique par des �tudiants de licence ou ma�trise de sciences de l’�ducation ?

Une r�ponse apporterait un argument suppl�mentaire � l’id�e que la p�dagogie Freinet est op�rationnelle de la maternelle � l’universit�.

Pour conclure ...

Ce que j’ai �crit ici correspond au message que j’ai souhait� faire passer en participant � la table ronde sur m�thode naturelle et t�tonnement exp�rimental. Tout en conservant en moi les convictions sur la richesse de la p�dagogie Freinet, il n’en demeure pas moins que nous devons sans cesse questionner notre pratique et les mots cl�s dont nous usons pour en parler. Je crois qu’en adoptant cette attitude critique nous rendons hommage � C�lestin Freinet � l’occasion de la c�l�bration du centenaire de sa naissance. Faire coexister en soi le praticien-militant p�dagogique et le chercheur et agir en connaissance est une conduite qu’il ne rejetterait sans doute pas. C’est en tout cas la conduite qui est la mienne et qui m’incite � rester lier au mouvement Freinet.

Bibliographie

  • R�gnier JC (1988a),�tude didactique d'une m�thode d'apprentissage fond� sur le t�tonnement exp�rimental de l'apprenant, Annales de Didactique et de Sciences Cognitives, s�minaire de Didactique des Math�matiques de Strasbourg, pp 255-279
  • R�gnier JC (1991m),P�dagogie Freinet et enseignement des math�matiques au lyc�e, in, J. Le Gal, A., Mathieu, (Eds.), R�ussir par l'�cole : comment ? La personnalisation des apprentissages, Nantes : ICEM-P�dagogie Freinet, pp 127 � 137 et 154 � 164.
  • R�gnier JC (coord.) (1991), autonomie et travail personnel dans l’enseignement des disciplines scientifiques en Lyc�e , Paris : MEN-DLC, Dijon : C.R.D.P.,
  • Ouvrage r�dig� en collaboration avec un groupe de coll�gues pour le compte du bureau des Innovations P�dagogiques et des Technologies Nouvelles du Minist�re de l'�ducation Nationale, sur la base de l’ exp�rimentation nationale "Travail personnel, autonomie des �l�ves dans les disciplines scientifiques en lyc�e"

    Tome n�1: 460 pages

    - Synth�se d’une exp�rimentation nationale (1983-1988) sur le travail personnel des �l�ves, le d�veloppement de leur autonomie et leur responsabilisation dans l’apprentissage

    - Des outils pour faciliter l’approche d’une p�dagogie de l’autonomie

    Tome n�2: 167 pages

    - T�moignage d’un travail conduit sur une ann�e scolaire

     


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